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Qu’est-ce que le Direct Primary Care (DPC) ?
Le DPC, majoritairement développé aux États-Unis, est un modèle de soins de santé primaires où les patients paient un abonnement mensuel directement à leur médecin généraliste ou à leur cabinet. En échange de ce forfait, les patients bénéficient généralement de :
- Consultations illimitées ou très fréquentes, souvent plus longues.
- Accès facile au médecin (téléphone, email, SMS, téléconsultation).
- Moins de délais d’attente.
- Services de base inclus (certains examens, tests rapides, vaccinations).
- Absence de remboursement par les assurances (Medicare, Medicaid, ou assurances privées), ce qui réduit la bureaucratie administrative pour le médecin.
L’objectif est de redonner du temps aux médecins pour leurs patients, de renforcer la relation médecin-patient et de se concentrer sur la prévention et le suivi personnalisé.
Les défis de l’implantation du DPC en France :
Le système de santé français est très différent de celui des États-Unis. Il repose sur un système d’assurance maladie universel, avec un remboursement important des soins par la Sécurité Sociale et les complémentaires santé.
Principe de l’accès universel et égalité : Le DPC, avec son modèle d’abonnement, pourrait être perçu comme un système à deux vitesses, créant une médecine pour ceux qui peuvent payer un abonnement en plus de leurs cotisations sociales, et une autre pour les autres. Cela irait à l’encontre du principe d’égalité d’accès aux soins qui est un pilier du système français.
Remboursement de la Sécurité Sociale : En France, les patients sont habitués à être remboursés d’une grande partie de leurs consultations. Un modèle DPC où il n’y a pas de feuilles de soins à envoyer ou de remboursement par l’Assurance Maladie serait une rupture majeure et difficile à accepter pour les patients. Les médecins libéraux sont conventionnés avec l’Assurance Maladie, ce qui signifie qu’ils acceptent les tarifs fixés par convention et que leurs patients bénéficient du remboursement. Un médecin DPC devrait se « déconventionner » ou trouver un cadre hybride complexe.
Encadrement des tarifs : Les tarifs des consultations des médecins généralistes en France sont fixés par convention. Le modèle DPC permet aux médecins de fixer librement leurs frais d’abonnement. Cela poserait des questions de régulation et de transparence.
Mutuelles et complémentaires santé : Les mutuelles complètent le remboursement de l’Assurance Maladie. Comment s’intégreraient-elles dans un modèle DPC sans facturation à l’acte ?
Déserts médicaux : Le DPC pourrait aggraver la situation dans les déserts médicaux si les médecins préfèrent s’installer dans des zones où ils peuvent attirer une patientèle aisée prête à payer l’abonnement.
Les éléments qui pourraient favoriser une approche DPC en France (ou des modèles s’en inspirant) :
Malgré ces défis, certains aspects du DPC répondent à des préoccupations actuelles de la médecine générale en France, ce qui pourrait conduire à des adaptations ou à des modèles hybrides :
Temps médical et qualité de la relation : De nombreux médecins généralistes en France se plaignent du manque de temps par consultation et de la surcharge administrative. L’idée de passer plus de temps avec les patients et de réduire la paperasse est très attractive.
Prévention et suivi des maladies chroniques : Le modèle DPC, avec un accès plus facile et un suivi plus personnalisé, est idéal pour la prévention et la gestion des maladies chroniques, des domaines où le système français cherche à s’améliorer.
Modèles de rémunération alternatifs : La France explore déjà des modèles de rémunération alternatifs au paiement à l’acte pur.
- Forfaits structures : Les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) et les Centres de Santé reçoivent des forfaits pour la coordination des soins et la prise en charge de certaines pathologies.
- Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) : Les médecins généralistes sont rémunérés pour l’atteinte d’objectifs de santé publique (dépistage, vaccination, suivi des maladies chroniques).
- Article 51 : Des expérimentations sont menées dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité Sociale, permettant de déroger aux règles de financement habituelles pour tester de nouveaux modèles de soins.
Télémédecine et accès numérique : La crise du COVID-19 a accéléré l’adoption de la téléconsultation. Les services proposés par le DPC (communication facile avec le médecin par message, téléconsultation) sont de plus en plus attendus par les patients.
Initiatives privées/nouvelles générations de centres : Des initiatives en France ne sont pas des DPC au sens strict car elles restent conventionnées avec l’Assurance Maladie. Cependant, elles intègrent des éléments de l’expérience DPC : une offre de services plus large (bilan annuel, équipe pluridisciplinaire), un accès facilité via des applications, et un accent sur le suivi personnalisé. Elles ne demandent pas d’abonnement en plus des honoraires classiques mais proposent une « inscription gratuite au programme ».
Scénarios pour le moyen terme :
- Modèles hybrides et conventionnés : Le plus probable est l’émergence de cabinets ou de centres de santé qui intègrent des services « premium » (accès facilité, consultations plus longues, suivi proactif) tout en restant conventionnés avec l’Assurance Maladie. Ces services pourraient être financés par des forfaits versés par l’Assurance Maladie pour la coordination ou la prise en charge de certaines populations, ou par des mutuelles proposant des services complémentaires.
- Développement de structures type MSP/CPTS : Le renforcement des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) permet déjà de mutualiser des ressources, d’améliorer la coordination des soins et d’offrir un accès plus facile aux patients, s’inspirant des bénéfices du DPC sans en adopter le modèle de financement.
- Niches de soins « hors-système » : Des cabinets non-conventionnés pourraient apparaître, mais ils resteraient très marginaux car le remboursement par l’Assurance Maladie est un facteur décisif pour la majorité des patients français.
En conclusion, un DPC « pur » à l’américaine est peu probable à moyen terme en France en raison des fondements de notre système de santé. Cependant, la pression sur la médecine générale, le désir d’une meilleure qualité de soins et l’évolution des attentes des patients pourraient inciter à développer des modèles conventionnés qui intègrent certaines caractéristiques du DPC, notamment un accès amélioré, des consultations plus longues et un suivi personnalisé, financés par des forfaits ou des rémunérations basées sur la qualité et les objectifs de santé publique, plutôt que par un abonnement direct du patient.